Le nombre d’IST à San Francisco a chuté depuis l’extension de la doxyPEP
Les résultats ont été présentés lors du 31ème Congrès sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2024) qui se tient cette semaine à Denver, aux États-Unis.
L'étude DoxyPEP a recruté 500 hommes gais et bisexuels et femmes transgenres vivant avec le VIH ou sous PrEP à San Francisco et à Seattle. Après l'arrêt prématuré de l'étude randomisée en raison de la grande efficacité de la doxyPEP contre la chlamydia et la syphilis, tous les participants à l'étude ont été informés des résultats et se sont vus proposer la doxyPEP en mode ouvert.
La professeur Annie Luetkemeyer, de l'université de Californie à San Francisco, a indiqué que, pendant la phase randomisée, 12 % des personnes du groupe d'intervention avaient contracté une IST, par rapport à 31 % des personnes du groupe de soins classiques. Lors de la phase d'extension ouverte, au cours de laquelle tous les patients ont pris la doxyPEP, les taux d'IST étaient respectivement de 13 % et de 17 % dans les deux groupes. La forte baisse de l'incidence des IST chez les personnes qui suivaient le traitement de référence s'est produite alors même que leur nombre de partenaires sexuels et d'actes sexuels sans préservatif avait doublé à court terme.
En octobre 2022, San Francisco a été la première ville à recommander la doxyPEP pour les hommes gais et bisexuels et les personnes transgenres.
Le Dr Hyman Scott a présenté les premiers résultats de la clinique de santé sexuelle Magnet de San Francisco AIDS Foundation, où la doxyPEP a été proposée à environ 3 000 utilisateurs actifs de la PrEP depuis fin novembre 2022. Parmi les personnes qui ont commencé la doxyPEP, l'incidence générale des IST a chuté de 18% à 8%, soit un recul de 58%. Cette réduction était plus importante pour les infections à chlamydia (67 %) et la syphilis précoce (78 %) que pour la gonorrhée (une baisse de 11 % qui n'était pas statistiquement significative).
Le Dr Oliver Bacon et ses collègues ont présenté des données préliminaires provenant de City Clinic, la principale clinique de santé sexuelle de San Francisco. Ils ont comparé l'incidence des IST avant (novembre 2021 à novembre 2022) et après (novembre 2022 à novembre 2023) la publication des directives sur la doxyPEP. Le recours à la doxyPEP était élevé parmi les hommes gais et les femmes transgenres sous PrEP, et chez ces personnes, "la sérologie positive de la chlamydia et de la syphilis précoce a diminué de manière significative". Les tests de dépistage positifs de chlamydia ont décliné de 90 % et les tests de dépistage précoce de la syphilis de 56 %.
L'épidémiologiste Madeline Sankaran et ses collègues ont évalué l'impact de la doxyPEP différemment, en examinant les variations de l'incidence des IST au niveau de la population. Les chercheurs ont surveillé le nombre de personnes commençant à prendre la doxyPEP dans trois cliniques de santé sexuelle à forte fréquentation - Magnet, City Clinic et Ward 86 à l'hôpital général de San Francisco - ainsi que les cas mensuels de chlamydia, de gonorrhée et de syphilis précoce avant (de juillet 2021 à octobre 2022) et après (de novembre 2022 à novembre 2023) la publication des directives de la ville.
Plus de 3 700 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des femmes transgenres ont commencé la doxyPEP dans les trois cliniques avant la fin de l'année 2023. À l'échelle de la ville, les cas de chlamydia dans cette population ont diminué de 7 % par mois, soit une baisse totale de 50 % par rapport aux niveaux attendus. La syphilis précoce a diminué de 3 % par mois, représentant une baisse totale de 51 %. Il n'y a pas eu de changement significatif du nombre de cas de gonorrhée.
Considérées ensemble, ces études démontrent que la doxyPEP est une intervention efficace pour réduire le nombre de nouveaux cas de chlamydia et de syphilis, bien qu'elle soit beaucoup moins efficace - voire pas du tout - contre la gonorrhée.
« En matière de santé publique, il est rare que la surveillance au niveau de la population concorde avec la prestation de services cliniques et avec les résultats d'essais cliniques, le tout en même temps », a déclaré le professeur Landon Myer, président de la CROI, de l'université du Cap. « À mon avis, ceci scelle l'affaire ».
Un traitement injectable contre le VIH est aussi efficace que les associations classiques en Afrique
L'étude est le premier essai de traitement injectable sur des personnes vivant avec le VIH en Afrique. Le traitement, composé de cabotégravir, un inhibiteur de l'intégrase, et de rilpivirine, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), est déjà approuvé en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. Le traitement est administré par injection intramusculaire tous les deux mois.
Avant que le traitement injectable puisse être dispensé dans le cadre des programmes de traitement du VIH, plusieurs questions relatives à son efficacité doivent être résolues. Les personnes séropositives en Afrique sont plus susceptibles d'avoir déjà pris un INNTI ou de présenter une résistance avant le traitement, ce qui peut compromettre l'efficacité de la rilpivirine. On sait qu'au moins un sous-type de VIH (A6) est moins sensible à cette association injectable et les populations africaines présentent plusieurs sous-types de VIH, en particulier le sous-type A1. Les différences au niveau de la répartition des graisses corporelles peuvent également affecter l'absorption des médicaments lorsqu'ils sont injectés dans le muscle fessier.
L'étude CARES sur une association de cabotégravir et de rilpivirine à action prolongée en Afrique a recruté 512 adultes séropositifs ayant une charge virale maîtrisée depuis au moins quatre mois dans le cadre d'un traitement antirétroviral. L'étude a été conçue pour tester un programme pratique et réalisable dans les établissements de soins publics - sans tests de résistance de routine, par exemple. L'étude a recruté des participants au Kenya (162), en Afrique du Sud (106) et en Ouganda (244).
Les participants ont été randomisés pour bénéficier d'un traitement injectable à base de cabotegravir et de rilpivirine toutes les huit semaines ou du traitement oral classique dispensé dans les pays participants (ténofovir disoproxil, lamivudine et dolutegravir, efavirenz ou névirapine).
57 % des participants à l'étude étaient des femmes, dont l'âge médian était de 42 ans. Environ un participant sur cinq (21 %) avait un indice de masse corporelle de 30 ou plus, indiquant un risque potentiel d'absorption sous-optimale du médicament, et 74 % avaient déjà pris un INNTI.
L'étude montre que le cabotégravir et la rilpivirine injectables restent efficaces chez les personnes porteuses du sous-type A1.
À la semaine 48, le pourcentage de personnes ayant une charge virale inférieure à 50 dans chaque groupe d'étude était presque identique : 96,9 % dans le groupe injectable et 97,3 % dans le groupe de traitement classique.
Les résultats de l'étude CARES constituent une « première étape essentielle des discussions sur le rôle du cabotégravir et de la rilpivirine injectables », a déclaré Dr. Paton, « mais il reste encore beaucoup de choses à faire avant que cela ne se traduise par une recommandation de santé publique [de l'Organisation mondiale de la santé] ».
L'analyse complète de l'étude française sur les IST anéantit les espoirs d'un vaccin contre la gonorrhée
Il y a un an, les résultats intermédiaires de l'étude DoxyVAC avaient suscité l'espoir de pouvoir réduire considérablement les cas des trois principales IST bactériennes chez les hommes gais et bisexuels en associant la doxyPEP à un candidat-vaccin contre la gonorrhée.
Cependant, l'analyse finale de l'étude, présentée à la CROI 2024 par le Professeur Jean-Michel Molina de l'Hôpital St Louis à Paris, a révélé une moindre efficacité contre la gonorrhée à la fois chez les bénéficiaires de la doxyPEP et chez ceux du vaccin,. Ces résultats sembleraient donc limiter l'utilité de ces mesures préventives contre la gonorrhée.
Lors de la préparation de l'analyse finale, les chercheurs ont identifié quelques divergences par rapport à leurs résultats intermédiaires, notamment l'omission de certaines infections à la gonorrhée. En outre, l'analyse finale a porté sur 545 participants à l'étude (au lieu de 502) et sur des données de suivi allant jusqu'à 21 mois, au lieu des 12 mois de l'analyse intermédiaire.
La population étudiée était composée en grande partie d'hommes gais, principalement de nationalité française, dont l'âge moyen était de 40 ans. Les participants devaient déjà être sous PrEP, et ils avaient en moyenne près de trois ans de PrEP. Au cours de l'année précédant l'inscription à l'étude, les taux d'IST étaient élevés : 68 % des sujets avaient eu une gonorrhée, 49 % une chlamydia et 21 % une syphilis.
L'efficacité de la doxyPEP contre la chlamydia et la syphilis a peu changé dans l'analyse finale. L'incidence annuelle de la chlamydia était de 42 % chez les participants ne prenant pas de doxyPEP et de 6 % chez les personnes prenant la doxyPEP, soit une efficacité de
86 %, alors que l'analyse intermédiaire avait conclu à une efficacité de 89 %. En ce qui concerne la syphilis, l'efficacité était la même dans les analyses intermédiaires et finales, à savoir 79 %. En d'autres termes, la doxyPEP a permis d'éviter quatre infections syphilitiques sur cinq et près de neuf infections à chlamydia sur dix.
L'analyse intermédiaire avait révélé une incidence annuelle de gonorrhée de 41 % chez les participants ne prenant pas de doxyPEP, contre 20,5 % dans le groupe doxyPEP, soit une efficacité de 51 %. Néanmoins, les gonorrhées ultérieures ont fait la différence. Dans l'analyse finale, l'incidence de gonorrhée était de 68% chez les participants n'ayant pas pris de doxyPEP et de 45,5% dans le groupe doxyPEP, équivalent à une efficacité de 33%.
L'efficacité du vaccin candidat contre la gonorrhée s'est également révélée considérablement plus faible dans l'analyse finale que dans l'analyse intermédiaire, passant de 33 % à 22 %.
Le professeur Molina a souligné que les chercheurs avaient choisi l'infection à gonocoque comme critère d'évaluation de l'efficacité du vaccin. Il est toujours possible que le vaccin soit plus efficace pour réduire la gravité de la maladie, et si le critère d'évaluation de l'étude avait été l'infection symptomatique, les résultats auraient pu être plus positifs.
« Bien qu'un léger effet bénéfique ne puisse être exclu, sa pertinence clinique semble très limitée », a déclaré le professeur Molina. Un vaccin plus efficace est nécessaire, et les études d'un autre vaccin candidat ont commencé.
Les individus doivent pouvoir passer de la PEP à la PrEP - et vice-versa
Si le nombre total de personnes sollicitant la PEP reste limité, ces dernières années, un grand nombre de ceux qui y ont eu recours avaient déjà bénéficié d'une prescription de PrEP. Mais pour une raison ou une autre, elles ne la prenaient pas systématiquement et ressentaient ce jour là le besoin d'une mesure d'urgence. Par ailleurs, de nombreuses personnes auxquelles la PEP a été prescrite sont susceptibles d'avoir à nouveau besoin d'une protection dans les semaines et les mois à venir.
Le Dr Mary Tanner, des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), a fait état d'un décalage entre la PEP et la PrEP aux États-Unis.
Au cours de la première décennie de PrEP (à partir de 2013), le taux d'utilisation a augmenté régulièrement, passant de zéro à environ 450 000 en 2022. Au cours de la même période, l'utilisation de la PEP n'a pratiquement pas évolué. Chaque année, il y a eu entre 14 000 et 18 000 prescriptions de PEP.
Le Dr Tanner a déclaré à aidsmap que la PEP et la PrEP se situaient sur le même continuum et que les personnes utilisant l'une des méthodes devraient être informées de l'existence de l'autre.
Les directives britanniques recommandent une transition en douceur de la PEP à la PrEP, et le Dr Gary Whitlock, du 56 Dean Street, a fait part du travail de sa clinique pour veiller à ce que cette recommandation soit respectée. Cette clinique de santé sexuelle londonienne dispense un quart de toutes les prescriptions de PEP et un tiers de toutes les prescriptions de PrEP en Angleterre.
Depuis janvier 2021, toutes les personnes bénéficiant d'une PEP au 56 Dean Street se voient proposer un approvisionnement de PrEP d'un mois, avec option de refus, à commencer dès qu'elles ont terminé le traitement de 28 jours de PEP.
En mars et avril 2022, le 56 Dean Street a dispensé une PEP à 282 hommes gais et bisexuels et à 6 femmes transgenres. Un peu moins de la moitié d'entre eux étaient des utilisateurs actuels ou anciens de PrEP. Les trois quarts des personnes à qui l'on a prescrit une PEP ont accepté l'offre de PrEP, et plus de la moitié d'entre elles sont revenues plus tard pour un rendez-vous relatif à la PrEP. Selon le Dr Whitlock, l'offre de PrEP conduit à une discussion plus large sur les options de prévention du VIH, notamment en vérifiant que les utilisateurs actuels ou anciens de la PrEP savent comment l'utiliser au mieux.