CROI 2021: Des disparités raciales marquées persistent aux Etats-Unis dans le domaine du VIH, Mercredi 10 mars 2021

Des disparités raciales marquées persistent aux Etats-Unis dans le domaine du VIH

Professeur James Hildreth présente à la CROI 2021.
Professeur James Hildreth présente à la CROI 2021.

Lors d'une session plénière du congrès virtuel sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2021), le professeur James Hildreth a fortement recommandé de s’attaquer aux déterminants sociaux de la santé afin de réduire les disparités raciales marquées des pandémies du VIH et de la COVID-19 aux États-Unis.

Un accès insuffisant aux informations sur la santé, des soins médicaux tardifs, des maladies chroniques mal gérées, l'incarcération massive et l'instabilité économique font partie des facteurs qui agissent comme déterminants sociaux de la santé, a-t-il déclaré.

De nouvelles données présentées lors du congrès par le Dr Jun Li, des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), indiquent que si les différences raciales ont diminué entre 2012 et 2018, les personnes noires séropositives sont toujours moins susceptibles que leurs homologues blancs de recevoir un traitement antirétroviral dans le mois qui suit leur prise en charge.

Le Sud profond des Etats-Unis présente le taux le plus élevé de nouveaux diagnostics de VIH, le plus grand nombre de personnes séropositives et le taux le plus faible de suppression virale du pays. Une étude menée en Alabama, en Louisiane et au Mississippi indique que, si les tendances générales relatives à la suppression virale s’améliorent, les jeunes noirs atteignent la suppression virale beaucoup plus tard que d’autres groupes.

Une troisième étude a démontré comment un financement accru dans certaines juridictions permettait de corriger certaines de ces disparités. Le projet pilote THRIVE a aidé certaines régions, où les hommes noirs ou latinos séropositifs étaient nombreux, à développer des services communautaires complets de prévention et de prise en charge du VIH, dont des activités destinées à soutenir le déploiement de la PrEP.

Dans les juridictions financées par THRIVE, on a constaté une réduction estimée à 4,2 % des nouveaux diagnostics de VIH chez les hommes noirs ayant des rapports sexuels avec des hommes entre 2014 et 2018. Par contre, dans les zones comparables ne recevant pas de financement, le nombre de nouveaux diagnostics est resté constant.  Chez les hommes latinos ayant des rapports sexuels avec des hommes, on a constaté une augmentation de 1,7 % dans les villes ne recevant pas de financement, contre une réduction de 2,7 % dans celles qui en ont bénéficié.


Une étude africaine cautionne le principe de recyclage du dolutégravir et du ténofovir en traitement de deuxième intention

Professeur Nicholas Paton (en bas, à gauche) présente à la CROI 2021.
Professeur Nicholas Paton (en bas, à gauche) présente à la CROI 2021.

Le dolutégravir ou le darunavir/ritonavir sont tout aussi efficaces en traitement de deuxième intention, même en présence d'une résistance élevée aux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), selon une vaste étude randomisée menée dans trois pays africains. En outre, le ténofovir et la lamivudine peuvent être recyclés dans le traitement de deuxième intention, même chez les personnes présentant des mutations de pharmacorésistance, ce qui simplifie le processus de changement de traitement, selon l'étude présentée à la CROI 2021 par le professeur Nicholas Paton.

Les résultats sont pertinents pour les directives actuelles de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui recommandent aux personnes présentant un rebond viral avec un traitement de première intention à base d’éfavirenz ou d’un inhibiteur de protéase potentialisé de passer au dolutégravir et à deux INTI. Cependant, l'OMS recommande d'inclure un nouvel INTI dans le traitement et, comme la plupart des personnes sous traitement de première intention prennent désormais du ténofovir, cela signifie passer à la zidovudine, qui est moins bien tolérée.

L'étude a recruté 464 personnes séropositives dans sept sites au Kenya, en Ouganda et au Zimbabwe. Ces personnes avaient une charge virale supérieure à 1 000 copies/ml et suivaient un traitement défaillant de première intention à base d’INNTI contenant du ténofovir et de la lamivudine. Elles ont été randomisées pour passer au dolutégravir ou au darunavir/ritonavir (800/100 mg), puis, lors d'une seconde randomisation, pour soit conserver le ténofovir soit passer à la zidovudine.

Vingt-sept pour cent des patients avaient une charge virale supérieure à 100 000 copies/ml, ce qui indique un échec du traitement anti-VIH, et les taux de pharmacorésistance étaient élevés (92 % avaient une résistance à la lamivudine, 58,5 % au ténofovir et 18 % à la zidovudine).

L'absence d'INTI actifs dans le traitement n'a pas entraîné de différences dans la réponse entre le dolutégravir et le darunavir: 90,2% des personnes prenant le dolutégravir et 91,7% des personnes prenant le darunavir avaient une charge virale inférieure à 400 copies/ml à la semaine 48. Il n'y avait pas de différence significative dans les résultats virologiques selon la randomisation des INTI; 92,3 % des personnes du groupe ténofovir et 89,6 % des personnes du groupe zidovudine avaient une charge virale inférieure à 400 copies/ml à la semaine 48.

Si les résultats soutiennent la recommandation de l'OMS de passer au dolutégravir en traitement de deuxième intention, ils suggèrent qu’ils faudrait réviser les directives de l'OMS sur les INTI.

Une autre étude, menée en Afrique du Sud et en Ouganda, a montré que les tests de résistance destinés à déclencher le passage à un traitement de deuxième intention n'amélioraient pas la suppression virologique neuf mois plus tard.

Les résultats de l'étude suggèrent que, dans des contextes où les ressources sont limitées, la mise en place de tests de résistance dans le cadre du passage à un traitement de deuxième intention, n’améliorera probablement pas la suppression virale et qu'il faut absolument continuer à mettre l'accent sur les tests de charge virale et l'intensification de l'observance thérapeutique pour gérer l'échec du traitement de première intention.


Vieillir avec le VIH aux Etats-Unis

Dr Parastu Kasaie parle pendant la CROI 2021.
Dr Parastu Kasaie parle pendant la CROI 2021.

Le nombre d'Américains séropositifs âgés de plus de 65 ans devrait augmenter rapidement au cours de la prochaine décennie et outre le VIH, beaucoup souffriront de multiples comorbidités, a déclaré le Dr Parastu Kasaie de l'Université Johns Hopkins lors de la CROI 2021.

Ces chiffres sont issus d'une modélisation mathématique dont les principaux éléments sont les données de surveillance des CDC et l'incidence des comorbidités dans l'étude “North American AIDS Cohort Collaboration on Research and Design (NA-ACCORD)”, qui rassemble plus de 130 000 personnes séropositives

Le modèle prévoit que, d'ici 2030, plus de 25 % des personnes sous traitement anti-VIH auront plus de 65 ans. La moitié d’entre elles auront plus de 53 ans.

D'ici à 2030, 36 % des personnes sous traitement antirétroviral auront plusieurs morbidités, c'est-à-dire au moins deux comorbidités physiques en plus du VIH. Parmi les personnes âgées de plus de 70 ans, la prévalence de multimorbidités devrait atteindre 69 % d'ici à 2030.

Le modèle prévoit une augmentation substantielle de la prévalence de l'anxiété (de 36 % à 48 %), de l'insuffisance rénale chronique (de 16 % à 26 %), du diabète (de 15 % à 24 %) et de l'infarctus du myocarde (de 3 % à 9 %). Plus encourageant, la dépression, l'hyperlipidémie, l'hypertension, le cancer et les maladies du foie en phase terminale ne devraient augmenter que légèrement voir même diminuer.


L'implant d'islatravir reformulé devrait assurer la PrEP pendant plus d'un an

Diapo de la présentation du Dr Randolph Matthews à la CROI 2021.
Diapo de la présentation du Dr Randolph Matthews à la CROI 2021.

Une nouvelle formulation du médicament islatravir, sous la forme d'un petit implant amovible, devrait assurer un taux suffisant de ce médicament pour agir en PrEP ou faire partie d'une association antirétrovirale pendant plus d'un an, a déclaré le Dr Randolph Matthews de Merck à la conférence CROI 2021.

Cette deuxième étude de phase I sur le taux et l’innocuité du médicament a testé des implants contenant 48 mg, 52 mg et 56 mg d'islatravir chez 24 volontaires, ainsi qu'un implant placebo chez 12 volontaires. Les volontaires ont gardé les implants pendant trois mois, après quoi ils ont été retirés.

D’autres études avaient montré qu'un taux de 0,05 picomols de médicament par million de lymphocytes T immunitaires circulants (0,05 pmols/106 cellules) devrait être plus que suffisant pour prévenir l'infection au VIH.

Après le retrait de l'implant, la demi-vie intracellulaire de l'islatravir restant dans l'organisme (la vitesse à laquelle il disparaissait) était de198 heures, ce qui signifie qu'après 8,5 jours, il restait deux fois moins de médicament qu'au moment du retrait de l'implant. Dans les deux doses les plus faibles, les concentrations de médicament ont persisté au-dessus de 0,05 pmols/106 cellules pendant deux semaines au maximum, mais dans la dose la plus forte, elles ont persisté pendant un à deux mois.

Les projections de cette étude de trois mois prévoient qu'après un an, la concentration moyenne de médicament serait encore 3 à 4 fois supérieure à 0,05 pmols/106 cellules. Une étude de phase II est prévue, qui établira si les concentrations de médicament seront les mêmes dans la vie réelle.


L’Alendrinate peut prévenir la déminéralisation osseuse chez les personnes qui commencent un traitement anti-VIH

Dr Tara McGinty (en bas, au centre) à la CROI 2021.
Dr Tara McGinty (en bas, au centre) à la CROI 2021.

Un traitement bref d’alendronate au moment de l’initiation d’un traitement antirétroviral à base de ténofovir peut aider à prévenir la déminéralisation osseuse, selon une étude présentée à la CROI 2021.

La déminéralisation osseuse - l'ostéopénie et sa forme la plus grave, l'ostéoporose - est une complication métabolique fréquente chez les personnes séropositives, en particulier chez les personnes âgées. Une inflammation chronique aggrave la déminéralisation osseuse et celle-ci est associée à certains antirétroviraux, en particulier le fumarate de ténofovir disoproxil (TDF).

Le Dr Tara McGinty de l'University College Dublin et ses collègues ont conçu l'étude APART pour évaluer si la prise à court terme d'une formulation générique du bisphosphonate oral alendronate (marque Fosamax) pouvait prévenir la déminéralisation osseuse chez les personnes commençant un traitement anti-VIH.

L'étude a recruté 50 personnes séropositives qui commençaient un traitement pour la première fois, avec des associations antirétrovirales à base de TDF, d'emtricitabine et d’un troisième médicament, généralement un inhibiteur d'intégrase. Les participants ont été répartis au hasard pour recevoir 70 mg d'alendronate par voie orale ou un placebo, une fois par semaine, 15 jours avant le début du traitement anti-VIH et jusqu'à la 14ème semaine.

La plupart des participants (86 %) étaient des hommes et l'âge médian était de 35 ans (entre 32 et 40 ans). Ceci est à noter puisque les personnes âgées - notamment les femmes ménopausées - présentent un risque élevé de déminéralisation osseuse.

À la 14ème semaine, une différence entre les deux groupes était déjà apparente. Les personnes assignées à l'alendronate présentaient une augmentation médiane de +1,88% de la densité minérale osseuse (DMO) totale de la hanche, contre une diminution de -0,65% dans le groupe placebo. La DMO a diminué lentement et régulièrement dans les deux groupes, pour aboutir à une augmentation de +0,50% dans le groupe alendronate contre une diminution de -2,70% dans le groupe placebo à la 50ème semaine.

L'impact sur la densité minérale osseuse au niveau de la colonne lombaire a été moins durable. A la 24ème semaine, on a observé une augmentation de +0,50% dans le groupe alendronate contre une diminution de -2,50% dans le groupe placebo. Mais à la 50ème semaine, c’était tombée à une diminution de -1,40 % et à une diminution de -3,70 % dans les deux groupes, respectivement, et la différence n'était plus statistiquement significative.

Étant donné que ce médicament est peu coûteux, facilement disponible et bien toléré, les chercheurs ont conclu que ces données soutiennent la prise de l'alendronate générique à court terme pour préserver la densité minérale osseuse chez les personnes qui commencent un traitement anti-VIH, y compris dans des contextes où les ressources sont limitées.


Un grand nombre de personnes prennent du Descovy en PrEP aux États-Unis

Diapo de la présentation du Dr Karen Hoover à la CROI 2021.
Diapo de la présentation du Dr Karen Hoover à la CROI 2021.

En octobre 2019, une nouvelle formulation de PrEP (médicament régulier pour prévenir le VIH), à base d'emtricitabine et de ténofovir alafénamide (TAF) et commercialisée sous le nom de Descovy, a été approuvée aux États-Unis. Au cours de la première année, 29 % des personnes prenant déjà la PrEP sont passées à la nouvelle formulation et 36 % des personnes prenant la PrEP pour la première fois l'ont pris. Le Dr Karen Hoover, du CDC, a présenté ces données, fondées sur la vaste base de données des pharmacies, à la CROI 2021.

La PrEP à base de TAF a été un succès commercial aux États-Unis, mais elle n'a pas encore été approuvée par d'autres organismes de réglementation en raison d'un manque de données chez les femmes cisgenres. De plus, étant donné que l'emtricitabine/TDF est désormais largement disponible sous forme de générique à faible coût, les systèmes de santé, attentifs aux questions de rentabilité, sont susceptibles de considérer Descovy comme une option de niche pour les personnes souffrant de troubles rénaux ou d'autres problèmes spécifiques, plutôt que comme le produit par défaut.